Remarque : cet article sera amélioré et complété progressivement : voir en bas de page l'historique des modifications depuis la première mise en ligne le 31 juillet 2016.
Sommaire
- Mythe 1 : Le QI ne mesure que l'intelligence logique...
- Mythe 2 : Le QI ne mesure pas ce qu'on appelle généralement intelligence
- Mythe 3 : On ne peut pas réduire l'intelligence à un chiffre unique
- Mythe 4 : Le QI dépend de l'éducation
- Mythe 5 : Le QI n'a pas d'intérêt / d'importance / de pertinence...
- Mythe 6 : Les hauts QI fonctionnent comme les autres, juste plus rapidement
- Mythe 7 : L'effet Flynn montre que l'intelligence a augmenté partout dans le monde
La "courbe en cloche"
NOUVEAU
La Courbe en Cloche : ce qu'il faut savoir
Les caractéristiques de la Courbe en Cloche (Bell Curve, Gaussienne, ...) et ce qu'elle nous apprend vraiment : qu'est-ce qu'être "normal", quand peut-on parler de groupes différents, à quel point les extrêmes sont rares, ...
Mythe 1 : "Le QI ne mesure que l'intelligence logique..."
... alors que bien sûr il en existerait plein d'autres...
Ce mythe est le plus fréquent, on le lit encore partout, alors qu'il montre une totale incompréhension de ce qu'est le QI !
Le QI cherche à mesurer l'Intelligence Générale (le Facteur g) qui correspond au facteur commun à toutes les formes d'intelligence.
Quand une personne réalise une tâche cognitive, elle mobilise son intelligence générale et des capacités spécifiques à cette tâche. Comme l'intelligence générale est fortement déterminante, une personne ayant un bon résultat à un test cognitif aura une forte probabilité d'être bonne aussi à d'autres tests : il y a une forte corrélation (0,70) entre les résultats.
On peut comparer avec la force physique : les forces du bras droit et du bras gauche dépendent bien sûr de facteurs spécifiques (être droitier ou gaucher, entraînement, blessure,...) mais aussi de facteurs généraux (âge, sexe,...) : on peut dire qu'une personne est globalement plus forte qu'une autre, et mesurer la force d'un seul bras permettra d'approximer sa force générale (sur le grand nombre, on constatera une forte corrélation positive entre la force d'un bras et les forces des autres membres).
Charles Spearman, découvreur du Facteur g en 1904, avait remarqué cette "indépendance de la mesure" : comme toutes les tâches cognitives sont saturées en g, on peut utiliser n'importe laquelle d'entre elles pour le détecter.
A noter d'ailleurs que beaucoup de vrais tests de QI ne sont pas des tests de logique, contrairement aux faux tests que l'on trouve sur Internet.
Mythe 2 : "Le QI ne mesure pas ce qu'on appelle généralement intelligence"
Le QI mesure l'Intelligence Générale (le facteur g ou g) qui correspond à ce qui est commun à toutes les formes d'intelligence (voir la définition sur la FAQ Intelligence).
Chez les humains, ce facteur g est très influent : il explique en moyenne 40% à 50% de la variance aux résultats à différents tests cognitifs. Cela signifie en pratique que celui qui montre une forte intelligence générale obtiendra généralement de forts résultats à tous les tests cognitifs.
En conséquence, si la définition qu'a chacun d'entre nous de l'intelligence peut varier, les études (ex: Murphy et al., 2000) montrent que les personnes que nous jugeons plus intelligentes obtiennent bien de plus hauts résultats aux tests de QI. L'Intelligence Générale (le Facteur g) mesurée par les tests de QI correspond donc bien à ce qu'on entend généralement par intelligence.
Il y a cependant une limite : les humains sont mauvais à détecter l'intelligence à plus de 30 points d'écarts, et l'intelligence perçue plafonne à 140 chez les hommes, et moins de 120 chez les femmes (Kleisner et al., 2014), c’est-à-dire que les Très Haut QI (THQI) ne seront souvent pas perçus en tant que tels :
Et il apparaît qu'en moyenne chacun surestime son QI de... beaucoup. Gignac & Zajenkowski (2019) ont trouvé que chacun se surestime de 30 points (2 écarts-types) et surestime son partenaire d'encore plus (37 points). Cette étude a été présentée sur ce site : QI auto-estimé vs QI réel.
Mythe 3 : "On ne peut pas réduire l'intelligence à un chiffre unique"
Ce "chiffre unique" qu'est le QI est non seulement corrélé positivement avec ce qu'on appelle généralement intelligence (voir ci-dessus) mais est aussi :
Corrélé positivement avec la réussite individuelle
Corrélé positivement avec la richesse des pays : le QI moyen d'un pays est l'indicateur le plus fort de son niveau économique, encore plus fort que le degré de liberté économique (voir la FAQ Capitalisme Cognitif ou sa synthèse : Base Eco 11 : Capitalisme Cognitif)
Corrélé avec de nombreux autres critères économiques et sociaux (voir : Statistiques sur le QI)
ce qui signifie directement qu'il a en lui-même une valeur descriptive et prédictive importante et qu'il est un excellent proxy de ce qu'on appelle généralement intelligence.
Mais bien sûr on ne peut pas réduire une personne à un chiffre unique : une caractéristique ne suffit pas à faire une identité.
Mythe 4 : "Le QI dépend de l'éducation"
L'intelligence générale, mesurée par le QI, correspond à une caractéristique biologique, liée à la manière dont l'intelligence se construit (on retrouve d'ailleurs un facteur g dans d'autres espèces animales, comme déjà signalé pour le chien). Les influences non biologiques sur cette caractéristique biologique apparaissent pour le moins faibles.
La manière de mesurer l'intelligence générale (par analyse factorielle à partir de ses manifestations) laisse cependant de la place à des influences non biologiques, mais la question se pose au niveau de la fiabilité du test, pas de ce qu'il est censé mesurer (et malgré cette limite le QI apparaît être majoritairement d'origine prénatale, surtout génétique).
Rem : bien sûr ce que l'on fait avec son QI dépendra grandement de son environnement, donc aussi de son éducation (mais celle-ci est aidée par un haut QI...).
Mythe 5 : "Le QI n'a pas d'intérêt / d'importance / de pertinence..."
Au niveau du grand nombre, le QI a montré de nombreuses corrélations positives fortes avec des critères économiques et sociaux, et même au niveau individuel il montre aussi une forte influence.
Si notre vie n'est (heureusement) pas déterminée par notre QI, il reste le critère psychologique le plus important, qui détermine notamment ce qu'un individu sera capable de réaliser cognitivement (un QI moyen ne sera jamais un grand mathématicien).
Bien sûr l'importance du QI est plus forte chez... les bas QI. On constate en effet une plus grande variation, en termes de personnalité, de goût, de réussite, etc., chez les haut QI, qui ont la possibilité de réaliser plus de choses, et donc de s'épanouir dans des domaines différents, que chez les bas QI, plus limités, qui se ressembleront donc plus.
Mythe 6 : "Les hauts QI fonctionnent comme les autres, juste plus rapidement"
Un plus haut QI n'entraîne pas seulement un changement quantitatif (plus grande rapidité de réflexion, plus grande profondeur d'analyse, etc.) mais aussi et surtout un changement qualitatif : les haut QI ne raisonnent pas comme les autres, ils montrent un fonctionnement cognitif différent (avec notamment un développement de la pensée abstraite).
Il a été trouvé qu'un écart de 30 points1 suffit à empêcher la compréhension, et qu'un écart de 20 points suffit à mettre en péril le leadership (ex : dans une entreprise où le QI moyen est de 105, le manager ne pourra dépasser 125 et son conseiller 155...)2.
Il s'agit bien d'une impossibilité de comprendre une personne ayant un QI trop supérieur au sien : savoir qu'il existe des différences ne suffit pas à faire sauter cette barrière.
A noter qu'un saut qualitatif particulier entre 145 et 150 augmente la distance entre les THQI (Très Haut QI) et les autres, et donc réduit la taille des écarts cités ci-dessus...
Mythe 7 : "L'effet Flynn montre que l'intelligence a augmenté partout dans le monde"
Au contraire : réel ou non, le Flynn effect semble avoir caché une chute de l'intelligence en Occident.
Découverte par Runquist dès 1936, et confirmée dans les années qui ont suivies, l'augmentation séculaire du QI est maintenant nommée "Flynn Effect", du nom de James Flynn qui l'étudie depuis les années 1980s.
Cette augmentation séculaire, constatée surtout sur les bas QI et sur les tests moins saturés en Facteur g, s'est traduite par la nécessité de réétalonner les tests régulièrement (ie: conversion des résultats bruts en QI par rapport à la moyenne de la population) : les éditeurs de tests étaient contraints d'augmenter les exigences en note brute, le QI semblant monter (de 2,31 à 2,93 points par décade ; Trahan & Stuebing, 2014 ; jusqu'à 3,9 points par décade chez les préscolaires de 4 à 6 ans ; Lynn, 2009). L'"Effet Flynn" s'est poursuivi sur toute la deuxième moitié du XX° siècle, mais s'est depuis arrêté (dès les années 1990s en Norvège : Sundet et al., 2004), et même inversé dans de nombreux pays (en France : chute de 3,8 points entre 1998 et 2008-9 ; Dutton & Lynn, 2015, Woodley & Dunkel, 2015).
Deux théories s'affrontent pour l'expliquer : soit les tests en eux-mêmes ont régulièrement perdu de leur efficacité (notamment par habituation au type de questions posées, l'effet se remarquant plus sur certains tests), soit il y a bien eu réelle augmentation des capacités cognitives.
En faveur de cette dernière, Richard Lynn (2009) remarque que l'augmentation de 3,9 points par décade de QI chez les préscolaires suit l'augmentation de 3,7 points par décade de Quotient de Développement. Il en déduit que le Flynn Effect correspond bien à un phénomène réel et l'explique par la meilleure santé des enfants (moins de malnutrition).
Mais de nombreuses autres études montrent que cet Effet Flynn a caché une baisse régulière du QI tout au long du siècle, et qu'il n'a concerné que les tests faiblement saturés en g, les autres montrant une baisse depuis la fin du XIX°. Par exemple :
Woodley of Menie et al. (2013) ont, au travers de l'étude des temps de réaction, trouvé une baisse du QI à un rythme de 14 points par siècle depuis le XIX° siècle.
Woodley of Menie et al. (2015b) ont trouvé que depuis la fin du XIX° siècle, le vocabulaire le plus simple est de plus en plus connu, à l'opposé du vocabulaire le plus compliqué :
Wongupparaj et al. (2017) : ont trouvé qu'au cours du siècle les résultats bruts avaient bien augmenté pour la mémorisation de chiffres (moins saturée en g), mais diminué pour la remémoration à l'envers (plus saturée en g).
Sur une échelle de temps anthropologique, Hawks et al. (2011) ont trouvé une baisse de 10% de la capacité cranienne au cours des 50 000 dernières années, qui laisse supposer une baisse de l'intelligence probablement due au phénomène d'auto-apprivoisement de l'espèce humaine3. Mais la taille n'est pas tout : Woodley of Menie et al. (2017) ont trouvé qu'il y a eu une sélection en faveur des gènes liés aux capacités cognitives au cours des 5 000 dernières années dans la population Eurasienne. Il reste à voir comment ces différentes influences se sont compensées.
Références
Dutton, E., & Lynn, R. (2015). A negative Flynn Effect in France, 1999 to 2008–9. Intelligence, 51, 67–70. doi:10.1016/j.intell.2015.05.005
Hawks, J. (2011). Selection for smaller brains in Holocene human evolution. Arxiv preprint arXiv:1102.5604, 1–20.
Hollingworth, L. S. (1942, Reprint 1975). Children Above 180 IQ (Stanford-Binet): Origin and Development. Arno Press.
Kleisner, K., Chvátalová, V., & Flegr, J. (2014). Perceived Intelligence Is Associated with Measured Intelligence in Men but Not Women. PLoS ONE, 9(3), e81237. doi:10.1371/journal.pone.0081237
Lynn, R. (2009). What has caused the Flynn effect? Secular increases in the Development Quotients of infants. Intelligence, 37(1), 16–24. doi:10.1016/j.intell.2008.07.008
Lynn, R. (2013). Who discovered the Flynn effect? A review of early studies of the secular increase of intelligence. Intelligence, 41(6), 765–769. doi:10.1016/j.intell.2013.03.008
Murphy, N. A., Hall, J. A., & Colvin, R. C. (2000, June). Judging a book by its cover: Accuracy in intelligence judgments. Poster session presented at the annual American Psychological Society Conference, Miami, FL.
Runquist, E. A. (1936). Intelligence test scores and school marks in 1928 and 1933. School & Society, 43, 301–304
Sundet, J., Barlaug, D., & Torjussen, T. (2004). The end of the Flynn effect?:: A study of secular trends in mean intelligence test scores of Norwegian conscripts during half a century. Intelligence, 349–362. doi:10.1016/j.intell.2004.06.004
Trahan, L., & Stuebing, K. (2014). The Flynn Effect : A Meta-Analysis. Psychological Bulletin. doi:10.1037/a0037173
Wongupparaj, P., Wongupparaj, R., Kumari, V., & Morris, R. G. (2017). The Flynn effect for verbal and visuospatial short-term and working memory: A cross-temporal meta-analysis. Intelligence, 64(March 2016), 71–80 doi:10.1016/j.intell.2017.07.006
Woodley of Menie, M. A., te Nijenhuis, J., & Murphy, R. (2013). Were the Victorians cleverer than us? The decline in general intelligence estimated from a meta-analysis of the slowing of simple reaction time. Intelligence. doi:10.1016/j.intell.2013.04.006
Woodley of Menie, M. A., & Dunkel, C. S. (2015a). In France, are secular IQ losses biologically caused? A comment on Dutton and Lynn (2015). Intelligence, 53, 81–85. doi:10.1016/j.intell.2015.08.009
Woodley of Menie, M. A., Fernandes, H. B. F., José Figueredo, A., & Meisenberg, G. (2015b). By their words ye shall know them: Evidence of genetic selection against general intelligence and concurrent environmental enrichment in vocabulary usage since the mid 19th century. Frontiers in Psychology, 6, 361. doi:10.3389/fpsyg.2015.00361
Woodley of Menie, M. A., Younuskunju, S., Balan, B., & Piffer, D. (2017). Holocene Selection for Variants Associated With General Cognitive Ability: Comparing Ancient and Modern Genomes. Twin Research and Human Genetics, 20(4), 271–280. doi:10.1017/thg.2017.37
Historique des versions
Date | Description |
---|---|
31 Janv. 23 | Ajout Mythe "On ne peut pas réduire l'intelligence à un chiffre unique" et renumérotation |
3 Juil. 20 | Correction nom James Flynn au Mythe 6 |
8 Avr. 20 | Ajout Gignac & Zajenkowski (2019) au Mythe 2 |
5 fév 19 | Ajout Woodley of Menie et al. (2015b) au Mythe 6 Amélioration style Mythe 1 |
1 avril 18 | Complément au Mythe 2 |
8 déc 17 | Changement des titres pour limiter le risque de confusion |
22 nov 17 | Ajout Wongupparaj et al. (2017) à la Question 6 |
30 oct 17 | Ajout Woodley et al. (2017) à la Question 6 |
9 juin 17 | Orthographe + Style |
2 sep 16 | MàJ note vers Répartitions théoriques du QI en fonction du QI moyen de la population |
17 août 16 | Ajout note vers Répartitions théoriques du QI à plus ou moins un ou deux écart-types |
15 août 16 | Corrections de style et d'orthographe Ajout lien vers Les Outsiders |
3 août 16 | Ajout image force du bras dans Mythe 1 Ajout liens au sommaire |
1 août 16 | Ajout courbe QI ; Complément au Flynn Effect Compléments aux références Corrections de style |
31 juil 16 | 1ère mise en ligne |
Notes
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Le calcul théorique du pourcentage de la population à plus ou moins 30 points de QI est présenté sous forme de tableau à : Répartitions théoriques du QI en fonction du QI moyen de la population ↩
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Voir sur Douance Vie professionnelle : l'exclusion des Hauts QI et Les Outsiders (Grady M. Towers) qui se réfèrent à Hollingworth (1942) ↩
-
Voir la Lettre Neuromonaco 79: Auto-domestication humaine et Pacification" ↩