Éducation : un diplôme est-il encore une preuve de haut QI ?

Philippe Gouillou - 17 April 2022 - MàJ : 27 janvier 2023 -https://douance.org/qi/qi-education.html
Sur l'échantillon MTFS, le diplôme est de moins en moins un signal fiable du QI : chez les personnes à QI inférieur à 90, le taux d'obtention d'un diplôme universitaire a été multiplié par 6 environ chez les hommes et par 10 chez les femmes par rapport aux taux de la génération précédente.

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Synthèse

Le Billet Eco 19 : "L'éducation est-elle la clé de demain ?" avait montré qu'un diplôme sert surtout à prouver un haut niveau sur trois critères, le QI, le caractère consciencieux, et la conformité, mais que le premier (QI) a de moins en moins de poids.

Une nouvelle étude de McGue et al., 2022 vient confirmer cette évolution sur l'échantillon de la Minnesota Twin Family Study (MTFS), un échantillon longitudinal de 2 593 personnes (1 228 hommes et 1 365 femmes) du Minnesota (USA) d'âge moyen de 29 ans.

Ils ont trouvé que :

  • Un certain nombre de personnes à QI inférieur à 90 (pour une moyenne nationale de 98) parviennent à être diplômés du supérieur : 3,7% des hommes et 10,8% des femmes de l'échantillon
  • "Le taux d'obtention d'un diplôme universitaire [chez ces personnes à QI inférieur à 90] a été multiplié par 6 environ chez les hommes et par 10 chez les femmes par rapport aux taux de la génération précédente"
  • "L'ampleur de l'effet du collège sur le statut professionnel, le revenu, l'indépendance financière et le respect de la loi était indépendante du niveau de QI, un résultat reproduit à l'aide de l'échantillon NLSY97 représentatif au niveau national"

Le QI de moins en moins déterminant pour le diplôme

L'échantillon n'est pas représentatif, sur le nombre total énormément sont diplômés du supérieur (presque 50% de l'échantillon) :

QI FEMMES HOMMES ENSEMBLE
< 90 10,8% 3,7% 7,4%
90-110 27,7% 21,3% 24,6%
> 110 14,5% 15,4% 14,9%
ENSEMBLE 53,0% 40,3% 47,0%

Lecture : 10,8% des femmes ont un QI inférieur à 90 ET sont diplômées du supérieur

alors que même sur les dernières années le taux est beaucoup plus faible au sein de l'ensemble de la population américaine (source : Statista) :

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Mais si, au sein de cet échantillon, on distingue par niveau de QI, on remarque que plus du tiers des femmes ayant un QI inférieur à 90 sont diplômées :

QI FEMMES HOMMES ENSEMBLE
< 90 35% 18% 28%
90-110 55% 39% 47%
> 110 79% 60% 69%
ENSEMBLE 53% 40% 47%

Lecture : 35% des femmes à QI < 90 sont diplômées du supérieur

Et qu'en conséquence une femme sur cinq diplômée et un homme sur dix diplômé ont un QI inférieur à 90 :

QI FEMMES HOMMES ENSEMBLE CUMUL
< 90 20% 9% 16% 16%
90-110 52% 53% 52% 68%
> 110 27% 38% 32% 100%
ENSEMBLE 100% 100% 100%

Lecture : 20% des femmes diplômées ont un QI < 90, 27% des femmes diplômées ont un QI > 110

Le fait que, au moins sur cet échantillon, l'éducation sélectionne de moins en moins sur le QI est confirmé par la très faible différence de QI moyen entre les diplômés du supérieur et les autres (écart-type entre parenthèses) :

QI Non Diplômé Diplômé Delta
Femmes < 90 81,4 (6,3) 84,6 (5,1) 3,2
Femmes 90-110 98,7 (5,3) 100,9 (5,5) 2,2
Femmes > 110 117,2 (5,2) 119,3 (7,7 2,1
Hommes < 90 83,6 (6,2) 85,1 (4,4) 1,5
Hommes 90-110 99,5 (5,5) 100,9 (5,5) 1,4
Hommes > 110 118,3 (7,5) 120,9 (8,4) 2,6

Lecture : les femmes diplômées du groupe QI > 110 montrent un QI moyen de 117,2 avec un écart-type de 5,2

On remarque également que la différence sexuelle de QI est plus faible qu'attendu :

QI Non Diplômé Diplômé
H - F < 90 2,2 0,5
H - F 90-110 0,8 0
H - F > 110 1,1 1,6

Lecture : les hommes diplômés du groupe QI > 110 montrent 1,6 points de QI de plus que les femmes diplômées du même groupe

Même s'ils sont obtenus sur un échantillon non représentatif (plus diplômé), ces résultats apparaissent confirmer l'évolution du système éducatif vers plus de féminisation et moins de QI. On remarquera à l'opposé qu'en Pologne, Pokropek et al. (2021) ont trouvé que les résultats au test international PISA sont expliqués par le QI.

Le tableau complet des résultats est :

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Commentaires

Baisser la validité du QI en tant que proxy du QI fait baisser sa valeur globale, avec des effets sur les recrutements : s'il était de plus en plus exigé par les recruteurs (Fuller & Raman, 2017), certaines administrations américaines commencent déjà à revenir en arrière.

Dans Reason (traduit dans Contrepoints), Scott Shackford rapporte que le nouveau gouverneur de Pennsylvanie (USA) a supprimé l'obligation de diplôme pour des milliers d'emplois au Gouvernement (où maintenant 92% des postes sont accessibles sans diplôme de 4 ans), suivant en cela les gouverneurs du Maryland et de l'Utah.

On peut s'attendre à ce que cette suppression de l'obligation de diplôme se généralise dans les recrutements, et qu'au-delà le diplôme perde de sa valeur sociale.

Traduction de l'abstract

Dans un échantillon longitudinal de 2 593 personnes du Minnesota, nous avons cherché à savoir si les personnes ayant un QI ≤ 90 qui ont terminé leurs études universitaires ont bénéficié des mêmes avantages sociaux et économiques que les diplômés universitaires à QI plus élevé. Bien que la plupart des individus ayant un QI ≤ 90 n'aient pas obtenu de diplôme universitaire, leur taux d'obtention d'un diplôme universitaire a été multiplié par 6 environ chez les hommes et par 10 chez les femmes par rapport aux taux de la génération précédente. L'ampleur de l'effet du collège sur le statut professionnel, le revenu, l'indépendance financière et le respect de la loi était indépendante du niveau de QI, un résultat reproduit à l'aide de l'échantillon NLSY97 représentatif au niveau national. Des analyses supplémentaires ont suggéré que l'association entre l'université et le statut professionnel était cohérente avec un effet causal et que la réussite scolaire des personnes ayant un QI inférieur à la moyenne pouvait dépendre en partie de facteurs non liés à la capacité, du statut socio-économique de la famille et du patrimoine génétique. Nous discutons de nos résultats dans le contexte de l'expansion récente du niveau d'études supérieures et de la rareté des recherches sur les personnes ayant un QI inférieur à la moyenne.
McGue et al., 20221

Références

  • Fuller, J. B., & Raman, M. (2017). Dismissed by Degrees. Accenture, Grads of Life, Harvard Business School.

  • McGue, M., Anderson, E. L., Willoughby, E., Giannelis, A., Iacono, W. G., & Lee, J. J. (2022). Not by g alone: The benefits of a college education among individuals with low levels of general cognitive ability. Intelligence, 92, 101642 doi:10.1016/j.intell.2022.101642

  • Pokropek, A., Marks, G. N., & Borgonovi, F. (2021). How much do students’ scores in PISA reflect general intelligence and how much do they reflect specific abilities? Journal of Educational Psychology doi:10.1037/edu0000687

Liens

Historique des modifications

Date Historique
27 Janvier 2023 Ajout section Commentaires
17 Avril 2022 1ère Mise en ligne

Notes


  1. Traduction depuis :

    In a longitudinal sample of 2593 individuals from Minnesota, we investigated whether individuals with IQs ≤ 90 who completed college experienced the same social and economic benefits higher-IQ college graduates did. Although most individuals with IQs ≤ 90 did not have a college degree, the rate at which they completed college had increased approximately 6-fold in men and 10-fold in women relative to rates in the previous generation. The magnitude of the college effect on occupational status, income, financial independence, and law abidingness was independent of IQ level, a finding replicated using the nationally representative NLSY97 sample. Additional analyses suggested the association of college with occupational status was consistent with a causal effect and that the educational success of individuals with low-average IQs may depend in part on non-ability factors, family socioeconomic status and genetic endowment. We discuss our finding in the context of the recent expansion in college attainment as well as the dearth of research on individuals with low-average IQs.
    McGue et al., 2022